Pour ceusses qui n'ont pas eu le courage d'écouter nos discussions dans un bar bien trop bruyant, voici la restranscription de notre entrevue ci dessous:
Interview Taï Luc - janvier 2008
Le magazine de l'homme moderne : merci, pour nous c'est un vrai honneur, car nous avons écouté en boucle les albums de la Souris Déglinguée pendant très longtemps. Cela a été longtemps un de nos groupes favoris, le fait de se rencontrer permets de joindre l'utile à l'agréable !
Comment t'es venue l'idée de faire un album de reprises ?
Tai Luc : Je suis assez connu pour aimer faire des reprises, n'ayant pas encore oeuvré dans ce sens là, je me suis dit pourquoi ne pas le faire ! En ce qui concerne le choix des morceaux, c'est presque venu naturellement en reprenant mes vieilles cassettes d'adolescent de 1975-76 que j'écoutais dans ma chambre et sur lesquelles nous jouions de la guitare avec un des futurs membres de LSD. Avec donc des reprises de Lou Reed, car c'était la hype de cette époque. Nous étions éduqués par les articles de la presse de l'époque comme Rock & Folk et Best, qui parlaient de beaucoup d'autres groupes, mais nous n'en avons retenu que ça : les chroniques des concerts de Lou Reed, ainsi que la liste des disques à acheter. Ainsi j'avais l'habitude de marquer mon nom sur les disques, et en reprenant le live du Velvet at Max Kansas City, j'ai pu retrouver la date d'achat, octobre ou novembre 1973.
Voila comment ça a commencé pour nous, Jean Pierre le guitariste et moi avons baigné dans cet univers musical. Nous avions déjà essayé en 1984 d'enregistrer un morceau de Lou Reed, There she goes, avec Sylvain le chanteur de l'époque qui connaissait le répertoire du Velvet sur le bout des doigts. Avant même le démarrage de LSD, on répétait ensemble, on allait voir les concerts de groupes comme Metal Urbain, Bijou, etc... mais nous n'avions pas encore choisi de direction musicale, donc on faisait des reprises ! On jouait heroin, Waiting for the man, white light white heat, femme fatale, donc je n'ai pas eu beaucoup d'efforts à faire, pas eu besoin de découvrir ces albums car je l'ai fait il y a très longtemps. J'ai essayé sur Pale Blue eyes de ne pas faire comme je fais généralement, c'est à dire de coller à la version originale. Comme j'avais déjà enregistré femme fatale et perfect day, qui sont des morceaux plutôt lents, je voulais mettre un peu de nervosité dans la machine, même si j'aime bien les morceaux soporifiques comme sunday morning....J'ai donc transformé pale blue eyes en morceau country, à la limite du rockab.
A cette époque j'avais été filmé par un jeune homme de Rosny Sous Bois, Eric, qui n'a pas grandi en écoutant du rock'n'roll ou du punk, mais plutôt du rap. Même si il a vingt ans de moins que moi, le courant est bien passé, comme quoi entre gens intelligents.... On a commencé à parler de rap, comme j'avais cotoyé toute une journée Chuck D et Flavour Fav (Public Enemy) à l'époque de leur concert en 1991, et il avait téléchargé tous les disques de LSD en une soirée.... Le lendemain, il me dit que Pale Blue eyes a les mêmes accords que Kamikaze Rock'n'roll ! Ca m'a fait bizarre que la seule personne qui ait entendu ça, soit quelqu'un qui n'ai commencé à écouter du rock que la veille.... l'influence est réelle, mais comme quoi il faut du temps pour s'en rendre compte !
Le magazine de l'homme moderne : comment s'est passé l'enregistrement de l'album, y a t'il eu des conditions particulières ?
Tai Luc : Il n'y avait qu'une seule condition : le faire avec des gens que l'on connaissait, en particulier Rémi Berger, connu sous le nom de Spirou (ancien guitariste de Molodoi). Nous étions proches de Spirou depuis plusieurs années, il avait fait partie en 2000 de la première grande aventure de LSD en Asie, en étant le sonorisateur du premier concert à Pnomh Penh, ce qui créé des liens !
Comme j'ai été tout seul à enregistrer l'album, j'avais tout dans les poches et les mains : ma guitare Gibson Melody Maker plus d'autres que j'ai empruntées à notre sponsor à Pigalle (Gibson 335, Lespaul, Gretsch) plus une guitare faite par Mathieu, qui fait des tables et des meubles, et enfin une guitare de jazz manouche.
Pour le reste toutes les percussions ont été faites avec tout ce que j'avais dans la poche : mon trousseau de clés, un couteau. La grosse caisse est la semelle de mes chaussures enregistré juste avec un micro placé devant, car le sol du studio était un plancher, ce qui facilite les choses...
J'ai utilisé aussi le sac de billes de ma fille, une guimbarde et un briquet pour les bruits de charleston - mais pas le mien parce que je ne fume pas ! La première fois que je l'ai fait écouter à notre tourneur, il a demandé "Elle est bien la batterie sur ce morceau, qui joue ?" J'ai aussi tapé sur le dos de la caisse de ma guitare sèche pour d'autres percussions....
Le magazine de l'homme moderne : Qu'en est il de LSD actuellement ? Est ce que cet album est juste une parenthèse ?
Tai Luc : LSD c'est la nuit sauvage, ça ne peut pas s'arrêter car c'est une machine un peu folle et complètement incontrôlable... Nous avons toujours la même façon de sévir, et dès demain nous allons répéter. Nous sommes toujours astreints à cette discipline, et ce disque ne remettra pas en cause notre équilibre. Jean Pierre, notre guitariste, a écouté le disque il y a quelques semaines, m'a dit à cette occasion que c'était la première fois que je faisais un album qui n'était pas un album solo ! Car en effet chaque partie musicale de chaque album de LSD est un album solo
Le magazine de l'homme moderne : la justesse de ton des paroles de LSD m'a toujours frappé depuis le premier album, elle m'ont accompagnées à chaque moment de ma vie... elles reviennent assez souvent, sous forme de flashs. Alors quel est le secret, si il y en a un ?
Tai Luc : il faut déjà avoir les clés pour les décrypter ! Dans la chanson Rockers, si elle te parle c'est que tu a reconnu le truc, les paroles te parlaient directement. D'autres textes en revanche sont moins faciles d'accès, même pour des gens qui cotoient le groupe depuis des années. A l'époque de Banzai, un copain de la première heure s'est rendu compte qu'il n'arrivait plus à suivre les textes, tout était devenu différent pour lui... mais il faut se donner les moyens de comprendre !
Le magazine de l'homme moderne : Ainsi pour moi, les paroles des "Parents à Chantal" constituent une vraie synthèse de la vision des pieds noirs sur l'algérie et leur situation propre...
Tai Luc : A ce sujet, en 94, on joue à Privas (Ardèche) et dans le public il y avait beaucoup de harkis, dont un détachement de fils de harkis (ils montaient même des fois nous voir à Paris) autoproclamés les Kung Fu Cowboys, et qui venaient à tous les concerts. Leur "chef", Said, avait comme chanson préférée "En Indochine", mais il avaient changé les paroles et en concert ils chantaient tout autre chose ! Ce qui fait que chacun comprenant les paroles peut les réutiliser à son compte.
J'ai écrit la majorité des paroles, sauf sur le premier album, car j'étais le plus littéraire de tous, filière A au lycée... Je n'étais pas et ne suis toujours pas un grand fan de littérature pour autant. Avec le recul, quand je relis certaisn de mes textes, je trouve qu'ils sont inachevés, peut être parce que pas fait assez sérieusement... Parfois ça me gêne, trente ans après, de chanter des machins pas finis ! Ce qui me réjouit, c'est que ce qui passe en ce moment à la radio étant tellement mauvais au niveau du texte, que ça fait passer les choses. Ces pointures du rock français, récompensé par la presse et leurs pairs, ça me laisse effaré quand on voit les moyens financiers dont ils disposent, et le résultat : ils ont dépensé de l'argent pour chanter juste, et quand on écoute la chanson sonne faux ! Avec la technologie, tu as tous les moyens de réajuster et ils n'y arrivent pas.
Le magazine de l'homme moderne : Considère tu qu'il y a une conscience politique dans tes paroles, ou fais tu des scènes de la vie quotidienne ?
Tai Luc : J'aime bien le mot quotidien, à condition que ce soit jour après jour. Les textes que j'ai écrits ont plus à voir avec le quotidien, mais si ils se rapprochen tdu terme grec de politique, vie de la cité. Mais je n'ai pas du tout l'ambition de gouverner les gens de la cité, ni d'imposer ce que je pense. Quitte à faire de l'auto-citation, lors d'un interview en 92, on m'avait demandé mes projets politiques, et j'avais répondu que c'était transformer la France en Mongolie. Je n'y suis passé que quelques fois par le Trans Sibérien, mais comme tu le sais dans les villes on retrouve des problèmes entre communautés, problèmes sociaux, etc... la solution à tout ça serait peut être tout simplement l'éradication des villes ! C'est à dire comme les mongols au temps de leur splendeur, envahir les villes, piller leurs richesses et ensuite aplanir le terrain pour transformer cette surface en pâturages. Paris, Lyon, Marseille transformés en Larzac ! On ne conserve que les groupes électrogènes pour jouer de la guitare électrique.
C'est finalement pas mal quand tu n'as pas de villes, et ça ne remets pas en cause la technologie pour autant : lors de mon dernier voyage au Tibet en 2000, je me suis rendu compte qu'il y avait plus de cafés internet qu'à Paris. Les grands espaces ne sont donc pas incompatibles avec la technologie.
Le magazine de l'homme moderne : Ce qui m'a toujours impressionné avec LSD et aussi avec ce dernier album, c'est cette capacité de faire du touche à tout au niveau musical, période punk sur les premiers albums, du bebop et reggae ... au contraire d'autres groupes, pour LSD, quel que soit le style de musique choisi pour l'album, on sent la patte originale !
Tai Luc : C'est vrai que je n'analyse pas trop ce que l'on fait, mais chacun des musiciens de LSD sans être un virtuose, a apporté sa pierre à l'édifice. J'aime bien le folk et le boogie, et c'est vrai qu'Oberkampf nous traitait de groupe de folk... ils n'avaient pas tort ! Warum Joe, sortis en même temps chez New Rose, disaient qu'on était un groupe de boogie comme Status Quo ou John Lee Hooker. Mais ça m'a jamais dérangé, car j'aime bien en fait.
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